samedi 22 juin 2013

Saint-Salvadour juin 2013

Comment inventer un objet fascinant, un objet qui tienne l’homme en respect ?
Comment inventer une visualité qui s’adresserait, non pas à la curiosité du
visible, voire à son plaisir — mais à son seul désir, à la passion de son imminence
(mot qui, on le sait, se dit en latin præsentia), Comment donner à la croyance le
support visuel d’un désir de voir l’Absent ? C’est ce que les clercs et les artistes
religieux du Moyen Âge ont bien dû, à quelque moment, se demander. Et ils en
vinrent quelquefois à cette solution radicale, simple autant que risquée : inventer
un lieu, non pas creux tout bonnement, mais déserté. Suggérer au regard un lieu
où “Il” serait passé, où “Il” aurait habité — mais d’où, à présent, “Il” se serait de
toute évidence absenté. Un lieu vide, mais dont le vide aurait été converti en
marque d’une présence passée ou imminente. Un lieu porteur d’évidence, donc,
ou d’évidance, comme on voudra. Quelque chose évoquant un Saint des Saints.
Quelque chose que tenterait, à sa façon, toute visualité monochrome : se donner
comme l’évidence apparaissante de la couleur de l’ “évidance” »

Georges Didi-Huberman,  
L’Homme qui marchait dans la couleur, 2001,
extrait du site ouvrir le cinéma.org














sculpture d'Antoine Paucard. Saint-Salvadour en Corrèze

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